Lorsque j'étais plus jeune, je faisais de la photo, c'était l'époque où le lycée avait un club photo et on pouvait développer soi-même (en noir et blanc). Un peu plus tard, j'aurais bien voulu m'acheter un bel appareil, mais c'était hors de mes moyens ....
En 1989, j'ai eu un Canon argentique et mon premier numérique en 2005 : un S70 de Canon. Puis, enfin, j'ai pu me payer un EOS1100 en .... 2012 !
Depuis, il s'est passé quelque chose d'intéressant : l'avènement des smartphones pouvant prendre des photos de bonne qualité a fait que leurs propriétaires se débarassent de leurs anciens numériques .... pour une bouchée de pain.
C'est ainsi que je me suis offert plusieurs bridges Canon pour moins de 80 euros. On trouve même des objectifs, quasiment tous à focale réglable (donc des zooms) à petits prix. Bien sûr, la plupart du temps, ils ne sont pas forcément "frais".
C'est le cas de ce zoom Tokina, réglable de 35 à 300 mm. Déjà, Tokina, c'est en métal, contrairement aux Canon par exemple ... voyons cet objectif :





Vues latérales du zoom




L'objectif est fourni avec ses 2 bouchons de protection
Devinez le prix ? 31 euros (port compris).
Il est équipé de la monture Canon EF, donc parfait pour mon EOS1100 ... malheureusement, il y a un hic ....


Je l'installe sur mon EOS, zoom sur 300, et j'essaie de prendre une photo du fond de la pièce où je me trouve :


cliquez sur l'image pour voir la vidéo

Je constate que l'AF (mise au point automatique = AutoFocus") fonctionne correctement, mais la prise de vue est impossible, j'ai beau appuyer sur le bouton dé déclenchement, la photo n'est pas prise (donc pas enregistrée) et l'EOS affiche :


Panne classique d'après les infos sur internet : rupture des connexions du diaphragme

En effet, le diaphragme (qui règle la quantité de lumière reçu par le capteur de l'apn) est à commande électrique. En gros, un iris formé de lamelles mobiles qui sont orientées grâce à une sorte de moteur à 2 bobines. Ce système rudimentaire nécessite donc 4 conducteurs (2 par bobine) mais 2 autres pour un contact de "zéro". En effet, l'apn ne peut pas régler le diaphragme sans connaitre une des 2 butées car à priori, à la mise sous tension, le diaphragme est dans une position indéterminée.
Bref, il y a donc 6 fils entre ce diaphragme et le circuit interne à l'objectif, qui communique avec l'apn. Sur un objectif à focale fixe, aucune lentille ne bouge (à part la lentille frontale pour la mise au point). Mais sur un zoom, il y a pas mal de lentilles mobiles ainsi que le diaphragme. Les connexions de celui-ci sont donc forcément mobiles. En général, les constructeurs utilisent un circuit souple comportant donc 6 pistes. Ce circuit est lové dans un logement lorsque le zoom est sur la plus petite focale et détendu sur la plus grande focale. A chaque manoeuvre de la bague de focale, on "triture" donc le circuit souple, le lovant ou l'étirant sans arrêt. Au bout d'un certain nombre de manoeuvres, que se passe-t'il ? Rupture du circuit souple.

Je pense que 95% des objectifs ont ce défaut inrinsèque (je dis 95% car j'imagine que dans le très haut de gamme, le circuit souple est remplacé par des contacts glissants). Pour certaines marques, les circuit souples sont disponibles, pour d'autres, non. Dans tous les cas, pour accéder à la panne, vu que lediaphragme est coincé au beau milieu des lentilles mobiles, il faut démonter l'objectif complètement ...

Comme je débute dans ce genre de travail, je tâtonne un peu, je ne vais pas forcément au plus court. Cependant, il est évident qu'un objectif photo est du matériel de précision qui doit rester propre et être préservé de tout acte pouvant entrainer une détérioration.
J'ajoute que le démontage doit se faire tranquillement, sur un support propre et dégagé et surtout, il faut TOUT repérer afin de faciliter le remontage. Il faut également des bons outils (tournevis de précision, pinces fines, aimanteur)
Le but du démontage est de caractériser la panne et de définir comment réparer. Après tout, la réparation peut être tellement difficile, voire impossible, qu'un abandon pur et simple pourrait être la seule solution ....

C'est parti :


On commence par enlever le cache en plastique noir (3 vis)




Puis la virole de monture en alu
Il faut d'abord retirer les 2 petites vis qui retiennent le connecteur à la virole, puis les 3 vis qui retienne celle-ci à l'objectif




Il y a 3 rondelles d'épaisseur sous la virole



Puis un transparent isolant à enlever et on découvre le circuit de communication sur souple



Pour retirer la première bague, il faut d'abord enlever le bouton AF/MF



La bague se glisse tout simplement



Attention : entouré, l'optocoupleur de rotation du moteur d'AF. Le disque dentelé est très fragile.
Il faut dessouder les points de raccordement du circuit de communication au reste (il y a 3 zones de raccordement) et les 2 fils du moteur.


Il y a également des vis de retenue du circuit avant de pouvoir le retirer



On découvre alors la mécanique d'AF et un autre souple qui va au codeur de position du zoom et à l'inter AF/MF



En dessoudant le raccord au circuit souple du diaphragme, il m'est resté dans les mains ....



En fait, il aurait du rester ainsi, si le reste de la nappe n'était pas coupée ....



On ne voit même pas le reste de la nappe, il faut continuer le démontage !



Cette pièce à retirer devait guider le circuit souple



La pièce suivante à retirer tient par 3 vis



Cette pièce, c'est le codeur de position du zoom. Attention en la retirant, de ne pas tordre les frotteurs
En positionnant ainsi cette pièce et le reste du zoom, on ne tord pas trop le souple qui est solidaire du mécanisme. Mécanisme qu'il faut retirer (2 vis) :


Rangement de ces deux pièces



Les frotteurs à enlever (entourés). La flèche montre le support du circuit souple (qu'on ne voit toujours pas)



Ce secteur de retenue est à retirer (2 vis)



une fois le secteur retiré, il faut également retirer le crochet de liaison entre la bague de zoom et le système de lentilles (3 vis)



Puis il faut retirer la ceinture suivante




On découvre alors le système des lentilles mobiles
Voici les pièces démontées à ce stade :


Pièces rangées dans l'ordre sur un tissu doux

Cette opération est celle qui exige le plus d'attention. Malgré tout, j'ai eu beau repérer, le remontage ne s'est pas fait facilement.
En plus, je n'ai pas fait systématiquement des photos, grrrr. Heureusement, on verra par la suite, lors d'un second démontage, que je me suis amélioré !

Allez, on s'y met :


J'ai réussi à tirer la nappe en manoeuvrant le zoom et je l'ai clipsée à l'endroit prévu (entouré)
La flèche indique qu'on peut bouger le zoom en tirant la partie oculaire, tout en maintenant la partie objectif (à gauche)


Le cylindre comportant l'objectif frontal se retire en dévissant les vis pointeaux sans les retirer (flèches)



la bague repérée de la flèche est "folle", on peut donc l'orienter pour faire apparaitre la vis entourée
On oriente la partie gauche pour voir la vis flèchée jaune.


On tire l'oculaire à fond (zoom 300) et on colle des repères d'alignement



On enlève alors successivement les vis qui apparaissent, en manoeuvrant de quelques degrés les éléments mobiles



Cette lentille est à retirer (elle est juste vissée, il suffit d'utiliser une pointe entrant dans une des 2 encoches périphériques)



Autre repérage au feutre




Démontage du cylindre de commande de l'objectif de mise au point



Les vis accessibles retirées, on peut alors glisser le système intérieur du cylindre extérieur




Les 2 ensembles séparés



Repérages



Séparation des pièces par glissement



Parmi ces 2 pièces restantes, il y a le diaphragme ...



... Le voici !
On distingue :
- en bas, le contact de zéro
- au milieu, à droite, les 2 bobines

- en haut, le support du circuit souple




L'ensemble des pièces constituant ce zoom ... y a du monde !
Avant d'envisager la réparation, j'ai déjà relevé les connexions :


La résistance de chaque bobine est de 10 ohm environ

Comment refaire les connexions ? Le plus simple est d'utiliser des fils très souples, de petit diamètre, rassemblés en nappe, donc un peu comme le circuit souple d'origine. Il faudra que les fils soient suffisamment longs pour la position zoom 300 et puissent se lover pour la position zoom 35.
Même si, à priori, je pense que ça ne va pas être satisfaisant, l'intérêt principal sera de vérifier qu'alors, l'objectif fonctionne, en particulier que la prise de vue est possible, preuve que la panne est bien la coupure de la nappe, et seulement cela. En effet, cela validera le circuit de communication.

Voici donc comment j'ai procédé :


Raccordement de 6 fils aux bobines et à l'inter de zéro



ces fils sont assemblés en nappe à l'aide d'un ruban adhésif



ce ruban est replié sur lui-même par endroits pour garder une souplesse à la nappe




Remontage des 3 pièces




Insertion dans les bagues



Réalignement des repères pour revisser les vis




Vérification du bon coulissement du zoom entre les 2 positions extrêmes



Installation du moteur et du codeur



Fixation du support de circuit de communication




Torsion de la nappe pour ménager une longueur et bridage à l'aide d'un petit cavalier fabriqué maison



Installation du circuit souple principal



coupe des fils et étamage



raccordement des 6 fils au circuit souple
Je passe sur les dernières étapes qui ne présentent pas de difficultés ....

Essai :

Et bien ça marche à peu près. La prise de vue est possible, donc la panne n'était bien uniquement que la nappe sectionnée et le reste est validé. En revanche, il y a 2 défauts :
- ça coince en position zoom 35 (la nappe ne se rassemble pas bien) au point où le verrouillage de zoom ne peut pas être enclenché
- la mise au point à l'infini est impossible : j'ai du mal installer l'objectif frontal, en le tournant incorrectement par rapport à l'hélice de commande

Bon, c'est encourageant, ce zoom peut revivre, il suffit de trouver autre chose comme réparation ....

La réparation précédente a montré que le zoom est opérationnel, à condition de trouver autre chose qu'une nappe. D'ailleurs, même si je trouvais un moyen pour qu'elle se love bien, il n'en resterait pas moins que par principe, à force de bouger, elle finirait par se couper de nouveau. Non, il faut trouver autre chose ...

Je vais donc tenter de réaliser des contacts glissants à base de barres de laiton coulissant dans des tubes de laiton. Bien sûr, la place n'est pas énorme et par conséquent, les tubes doivent être tout petits ...
Je me suis donc tourné vers un site de modélisme qui fournit des tubes de 1,1mm de diamètre intérieur (1,5 extérieur) et des barres de 1mm de diamètre. Ainsi, elles coulisseront avec un jeu de 1/10.
Il faut bien déterminer la course de la partie supportant le diaphragme par rapport au support de circuit souple principal afin de positionner les tubes à la bonne hauteur. D'autre part, ces tubes devront avoir une hauteur suffisante pour bien guider parallèlement des barres.
Bref, de la mécanique de précision ....


nouveau démontage :


cette fois-ci, j'utilise du scotch pour mes repères : moins épais, il permet de bouger les bagues par dessus



premières vis à enlever




les suivantes pour enlever le cylindre de l'objectif frontal (celui que j'avais mal orienté)




nouvel alignement pour enlever les vis suivantes





suite ....





séparation des éléments





dernières vis et le module diaphragme apparait !


il faut glisser les 2 autres pièces pour le remontage, ce sera plus facile


contacts fixes :

Bon, il faut maintenant installer les tubes. Comment assembler 6 tubes parallèle et isolés entre eux :


un tour de scotch est enroulé sur un tube sur deux et l'ensemble est retenu par un autre scotch mais d'un seul côté



car il faut cintrer l'ensemble afin d'épouser la lumière disponible
Pour ce faire, j'ai collé l'ensemble des tubes contre un objet du bon diamètre, correspondant à la courbure de la lumière (30 mm)


puis j'ai fait un moule en pâte à modeler. Un secteur de tuyau PVC de 32 a fait l'empreinte



les tuyaux, collés entre eux, ont été décollés de l'objet et insérés dans le moule



ula résine polyester est coulée dans le moule



Après un temps suffisant pour la prise, l'objet est démoulé
Deux bons jours de séchage sont nécessaires pour obtenir une résine bonne à travailler ....


L'objet est meulé pour diminuer ses dimensions au strict minimum pour passer dans la lumière



Collage à l'araldite des tubes sur le support d'origine. Il faut aligner les tubes parallèlement au bord du support
La colle prend vite. Je peux alors procéder au câblage selon le schéma relevé :




Module diaphragme câblé sur les contacts fixes
Il n'y a plus qu'à remonter l'ensemble ....


remontage :


assemblage des 2 premières pièces
Il faut meuler la troisième afin que les contacts passent librement dans l'échancrure :


L'échancrure est agrandie




insertion des 3 pièces dans le cylindre des rampes



vérification du passage des contacts




suite ...




vis suivantes ...



lentille vissée ...





suite ...




vis suivantes ...



vérification du bon glissement (vidéo)


La pièce suivante, en plastique, doit être ajustée aussi :



agrandissement du passage




installation de l'objectif de mise au point





vérification du bon glissement (3 vidéos)






installation du crochet de liaison




puis le secteur de maintien et les frotteurs du codeur




enfin, le support du circuit souple et le mécanisme d'AF

Maintenant que le codeur de position du zoom est remonté, j'ai relevé les combinaisons des contacts des frotteurs :


les cases noires indiquent un contact entre le commun (borne 1) et la borne considérée (2 à 6)
Les lignes ne comportant pas d'indication de focale correspondent à des positions intermédiaires.

Maintenant, il faut réaliser les contacts mobiles ...


Contacts mobiles :



pose, sans le fixer, du circuit souple principal
Repérage des points de raccordement des connexions vers le diaphragme (entouré)


réalisation d'un contact, bridé par le cavalier précédemment découpé
La tige de laiton fait 36 mm environ, le fil isolé est du 5/10 isolé téflon. La soudure est faite à angle droit et le cavalier maintien l'ensemble lors du coulissement.


zoom à fond (300), la tige est toujours insérée dans le tube (sur quelques millimètres)
Tout va bien, les dimensions des tubes et de la tige, ainsi que le positionnement assurent le contact quelque soit le réglage de focale.


réalisation des 6 raccords définitifs
Le procédé est le suivant :
- découpe d'une barre de 40 mm (donc trop longue)
- insertion de la barre dans son tube respectif, jusqu'au blocage en bas
- coupe de la tige dans le plan supérieur du support
- meulage de la partie cisaillée et étamage
- soudage du fil

- coupe du fil au ras du support (en périphérie)
- dénudage et étamage de l'extrémité du fil

Les 6 raccords sont repérés, dans l'ordre des tubes


insertion des raccords



bridage des raccords à l'aide du cavalier
Maintenant, il faut les immobiliser afin de réaliser un ensemble, démontable, suffisamment rigide pour que les barres coulissent bien


collage des 6 fils entre eux, à l'Araldite, sur un support rectangulaire en bristol



lorsque la colle est prise, cambrage des extrémités des fils et coupe du bristol le long du bord du support



position focale 300 : les barres coulissent bien et sont toujours contenues dans les tubes



pose du cavalier pour immobiliser l'ensemble des raccords



vérification du bon glissement des contacts (vidéo)
Bien, maintenant, il faut terminer le remontage pour faire l'essai final ....


Fin du remontage :




fixation du bouton de verrouillage du zoom
(ce verrouillage bloque la bague de zoom sur la position 35 mm; certainement pour le transport : ainsi l'ensemble mobile est fixé)


installation du circuit souple principal et soudage des raccords



détail : les extrémités des fils des contacts mobiles ont été rabattues sur les lamelles contacts du souple pour faciliter le soudage



raccords de l'opto et de l'inter AF/MF



soudage des fils du moteur (2 repères B et R sont indiqués sur le circuit souple)



lors de l'insertion de la bague, le bristol gêne, il faut l'araser



une fois la bague installée, pose du bouton de l'inter AF/MF
En haut à droite, la pièce guide de nappe qui est devenue inutile.


pose du transparent isolant par dessus le circuit souple



vissage de la ceinture monture et du connecteur



pose du cache en plastique noir



position zoom 300 : les contacts sont visibles, donc accessibles pour nettoyage par exemple


Essai final :

Super, ça marche parfaitement bien. La mise au point se fait, quelque soit la position du zoom, et surtout, la prise de vue est effectuée !
Donc, réparation effectuée avec succès.
J'ai fait une photo contre une vitre, zoom 300, AF, ouverture/vitesse automatiques, distance 20 mètres environ :




Le zoom installé sur l'EOS1100D :