Réparation d'un oscilloscope Heathkit OS-2





1. Présentation de l'oscilloscope

En 1973, je m'étais fait offrir par le père Noël, un oscilloscope en kit : l'OS-2 d'Heathkit.
Je l'avais donc construit moi-même, et, fierté suprême, il avait fonctionné aussitôt !
Cet oscilloscope, je l'ai utilisé longtemps, près de 20 ans en fait, après quoi j'ai eu la chance d'en récupérer un plus "moderne" ...
Je l'ai toujours cet OS-2, mais je l'ai "un peu" modifié, et je voulais toujours en trouver un "d'origine" ....

Et chance, j'en ai trouvé un sur EB :




D'après le vendeur, il est en panne ...
Effectivement, le premier essai montre qu'il s'allume bien, que les balayages sont présents, mais qu'il y a un souci en X :


entrée Y : tension triangulaire de quelques kilohertz

Le démontage est simple, il y a 2 vis à enlever à l'arrière :



Et le châssis se glisse vers l'avant :







L'étiquette constructeur a été collée sur le côté du châssis :



2. Réparation

Le symptôme suggère que l'amplificateur horizontal (X) est malade ... En effet, le balayage est "écrasé" d'un côté et ce, quelque soit la position du commutateur de base de temps.
Voici le schéma complet de cet appareil :


(PDF du manuel en cliquant)

L'ampli horizontal est tout en bas. La mesure des tensions montre que le dernier étage (push-pull) est complètement déréglé.
En vérifiant les résistances, je m'aperçois que celles de charge d'anodes de V4 ont carrément varié du simple au quadruple !



Normalement, ce sont des 22k / 1W, mais une fois dessoudées, leurs valeurs sont totalement hors tolérance :



N'en ayant pas en stock, j'ai fait des associations de 5 résistances de 110k (1/2W) en parallèle :



Et j'ai refait l'essai précédent en visualisant sur un second oscillo, les tensions aux anodes de V4 (donc aux plaques du tube cathodique) :



Tout semble maintenant normal, d'ailleurs, l'oscillo affiche alors un balayage complet en X :



Donc, réparation effectuée, appareil opérationnel !



Je peux remonter le châssis dans le boitier ....



3. Applications

Que peut-on faire de ce genre d'oscilloscope ?
Déjà, les amplis ne sont pas étalonnés, c'est-à-dire que les cadrans autour des boutons de réglages de gains ne sont pas chiffrés.
De même pour la base de temps. On ne peut donc s'en servir que par comparaison avec des tensions connues et des temps connus.
C'est pour ces raisons que parmi les modifications que j'avais faites sur mon premier OS-2, il y avait un étage de modulation du spot (voie Z), ce qui me permettait de produire une trace en pointillés créés par un signal extérieur de fréquence connue. Il suffisait de compter les pointillés d'une periode du signal Y pour en déduire la fréquence de celui-ci.
De même, j'avais ajouté des cadrans gradués que j'avais plus ou moins bien étalonnés avec des tensions connues.

Autre application : se contenter d'utiliser l'oscillo en mode XY : soit pour faire des figures de Lissajous (mesure de fréquence et de déphasage) ou alors pour générer des caractères (par exemple pour faire une pendule).


Voici à titre d'exemple, cet oscilloscope avec un circuit générateur de pendule :


(Cliquer pour charger une vidéo)
et mon premier oscillo OS-2 avec un traceur de courbes d'une triode :


(Cliquer pour aller voir la page concernant ce traceur de courbes)



4. Réparation de l'OS-2 N°1

Lors des essais du générateur de pendule et du traceur de courbes, je me suis aperçu que sur mon premier OS-2, les réglages de gain horizontal et de position horizontale étaient dépendants.
Autrement dit, lorsqu'on change le réglage de gain, il faut retoucher la position.
D'ailleurs j'ai fait l'expérience suivante : j'ai installé les 2 oscillos côte à côte et réglé de manière à avoir la même image de la pendule :



Puis j'ai réglé le gain des 2 oscillos à 0, sans toucher aux réglages de position :



On voit immédiatement que la ligne verticale résiduelle est nettement plus à droite sur l'oscillo de gauche que sur l'oscillo de droite

J'ai investigué encore une fois dans l'ampli horizontal ... j'en ai profité pour remplacer les résistances de 22k comme sur le N°2, de façon préventive :


les résistances d'origine étaient dans la tolérance : l'une faisait 24k, l'autre 25k

J'ai remarqué en revanche qu'il y avait une tension continue de 0,7V sur le point chaud du potentiomètre de gain, VR1 :



Cette tension continue est plus ou moins atténuée selon le réglage de VR1, et se retrouve amplifiée par le tube V3b sur son anode.
Si cette tension était constante, on pourrait la rattraper par le réglage de position, VR3, mais comme elle dépend du réglage de VR1, on comprend que lorsqu'on règle le gain, on modifie aussi la position moyenne de l'image sur l'écran.

Bref, s'il y a tension continue à cet endroit, c'est que le condo C8 est fuyard. Il suffit alors de le remplacer :


Le nouveau condo (vert) installé. L'ancien en bas de la photo
A l'origine, C8 faisait 16µF; j'ai remis un 22µF isolé à 400V (c'est un peu du luxe ...)

Refaisons l'expérience précédente :


Réglage du gain et de la position afin d'avoir une amplitude suffisante et un centrage de l'image à peu près correct

Sans toucher au réglage de position VR3, réglage de gain VR1 à 0 :


Nickel : la ligne verticale reste centrée !
D'ailleurs, on s'perçoit que les réglages ne sont plus dépendants car lorsqu'on règle le gain, la pendule reste centrée et le milieu de l'écran passe juste entre les 2 chiffres des minutes
Voilà, panne réparée ...



5. Autre application : mesure des déphasages produits par des filtres passifs

On a oublié, avec nos appareils modernes, que l'oscilloscope pouvait servir à autre chose que de visualiser une tension périodique en fonction du temps.
Déjà, les applications précédentes (pendule, traceur de courbes) en mode XY présentaient l'oscillo sous un autre jour ...
Mais on peut aussi mesurer des filtres. Imaginons un dispositif de filtrage passif. Il possède une entrée, une sortie et une connexion de référence (la masse en général, donc le 0 des tensions).
Si on réalise les connexions suivantes :


Principe de test d'un filtre avec un oscillo en mode XY
Un générateur de tension sinusoïdale est relié à l'entrée du filtre, mais aussi à la voie X de l'oscillo. Autrement dit, le balayage horizontal est une sinusoïde. La sortie du filtre est reliée à la voie Y de l'oscillo. Le balayage vertical est donc aussi une sinusoïde car un filtre ne transforme pas la forme d'un signal sinusoïdal (en revanche, il modifie la forme des signaux non sinusoïdaux)
Cependant, le filtre va venir déphaser le signal, c'est-à-dire que selon le filtre, la sortie va être en retard ou en avance sur l'entrée.
Mathématiquement, on montre que la composition de deux fonctions sinusoïdales sur 2 axes orthogonaux produit une courbe fermée, une ellipse.

Cette ellipse a une forme qui dépend du déphasage entre les 2 fonctions :


Les formes que peut prendre l'ellipse

Si le déphasage est nul (X et Y en phase) ou s'il est égal à 180° (X et Y en opposition), l'ellipse se réduit à un segment de droite (1 et 2).
Si le déphasage est de 90° (ou 270°), l'ellipse est exactement un cercle (3). Attention, si on modifie le gain d'une des voie X ou Y, on peut "aplatir" le cercle qui va devenir une ellipse, mais cette ellipse aura ses axes parallèles aux axes X et Y de l'écran (ellipse horizontale ou verticale) Il faudra donc s'arranger pour que les amplitudes en X et en Y soient les mêmes pour décider si on a bien à faire à un cercle ...
En revanche, dans tous les autres cas de déphasage, on aura une ellipse inclinée (4 et 5) qui le restera, même si on modifie le gain des voies X et Y.

Comment peut-on calculer le déphasage à partir de l'ellipse dessinée à l'écran ?


Principe de la mesure du déphasage

Tout d'abord, une fois l'ellipse agrandie au maximum pour augmenter la précision de mesure, il faut la centrer, c'est-à-dire que l'origine de l'écran (0) doit se situer au centre de l'ellipse. Normalement, comme on a à faire à des signaux alternatifs, il suffit de régler le spot au centre de l'écran lorsqu'on débranche X et Y.
Ensuite, on mesure sur l'écran l'amplitude verticale de l'image (B) et la longueur entre les intersections de l'ellipse et l'axe des Y (A).
Le sinus de l'angle de déphasage est donné par le rapport A/B.

On retrouve bien les cas particuliers du cercle (A=B, donc A/B=1, donc angle=90°) et des segments (A=0, donc A/B=0, donc angle =0°)
Il y a un autre cas particulier, qui concerne certains filtres, c'est l'angle de 45°. Le sinus de cet angle est racine de 2 sur 2, soit environ 0,7.
Les figures précédentes 4 et 5 représentent à peu près ce cas (A/B=0,7)


Passons maintenant à quelques essais avec des filtres RC et LC :


Filtre passe-bas RC
Les valeurs des composants (15kohm et 100nF) correspondent à une fréquence de coupure de 100Hz environ (f=1/(2pi.R.C)).
La théorie des filtres dit qu'à la fréquence de coupure, un filtre RC présente un déphasage de 45°. Voyons cela en injectant une fréquence de 100Hz à l'entrée du filtre :


Filtre passe-bas RC, à la fréquence de coupure : on a une jolie ellipse de déphasage à 45°

Voyons ce que ça donne en changeant la fréquence :


Filtre passe-bas RC, à une fréquence 10 fois plus faible que la fréquence de coupure : déphasage proche de 90° = cercle




Filtre passe-bas RC, à une fréquence 10 fois plus grande que la fréquence de coupure : déphasage proche de 0° = segment




Filtre passe-haut RC
Les composants sont les mêmes, on a juste inversé le rôle de l'entrée et de la masse, donc la fréquence de coupure est la même.


Filtre passe-haut RC, à la fréquence de coupure : on a encore une ellipse de déphasage à 45°

Et en changeant la fréquence :


Filtre passe-haut RC, à une fréquence 10 fois plus faible que la fréquence de coupure : déphasage proche de 0° = segment




Filtre passe-haut RC, à une fréquence 10 fois plus grande que la fréquence de coupure : déphasage proche de 90° = cercle

Conclusion :

Grâce à l'oscillo, on peut mesurer un déphasage entre 2 signaux sinusoïdaux, en particulier on peut déterminer la fréquence de coupure d'un filtre RC : il suffit de régler la fréquence du générateur pour obtenir une ellipse de déphasage 45° (donc A/B=0,7).


Et si on remplace la résistance par une bobine ?


Filtre passe-bas LC
Les valeurs des composants correspondent à une fréquence de coupure de 12,5 kHz environ. A cette fréquence, le déphasage théorique est de 90°.
Il devrait être encore plus facile de détecter la fréquence de coupure avec ce filtre LC, puisqu'il suffira de faire varier la fréquence jusqu'à obtenir un cercle !

Dans la vidéo suivante, on part d'une fréquence basse et on l'augmente jusqu'à obtenir un cercle, on dépasse la fréquence de coupure, puis on revient pour que le cercle soit bien formé. On peut alors relever sur le générateur la valeur de la fréquence de coupure :


Filtre passe-bas LC, recherche de la fréquence de coupure (90° >> cercle).
Une fois le cercle obtenu, le générateur indique 12,6kHz : pas mal du tout !


Si maintenant, on mesure un filtre passe-haut :


Filtre passe-haut LC
La recherche de la fréquence de coupure est aussi simple :


Filtre passe-haut LC, recherche de la fréquence de coupure (90° >> cercle).
Fréquence donnée par le générateur : encore 12,6kHz.

Vous aurez remarqué que ces 2 filtres se comportent de manière inversée : le déphasage de l'un varie de 0° à 180° lorsqu'on fait varier la fréquence, alors que le déphasage de l'autre varie de 180° à 0°.

Voilà, on voit que même avec un oscillo de bas de gamme, non étalonné, sans grandes performances, on peut mesurer des filtres.
Cependant, il y a des limites : la fréquence de coupure des voies de ce genre d'oscillo, assez basse, fait qu'on ne pourra pas mesurer des filtresd dont la fréquence de coupure est élevée. De même, en basse fréquence on est limité par la persistence rétinienne qui fait qu'au-dessous de 10Hz, on verra le spot décrire plus ou moins lentement les ellipses. On pourra néanmoins remédier à cela en prenant une photo en pose de l'écran et à faire la mesure de A et de B sur la photo.