Remise en route d'un poste Martial en mallette
Partie radio
Voici une jolie mallette que Thierry m'a confiée pour remise en marche (et rénovation/modification): Lorsqu'on l'ouvre, voici ce qu'on découvre : La mallette se compose, comme d'habitude, d'une boite regroupant toute la radio avec ses commandes : et d'un couvercle contenant le cadre de réception caractérisé par les 2 fils de liaison : Le logo de la marque : Sur le côté, il y a une trappe qui cache 3 douilles : Il y en a 2 pour le secteur (ce qui veut dire qu'il faut un câble mâle/mâle, bravo la sécurité !) et une pour l'antenne très certainement en OC ... Quels sont les objectifs de cette remise en route : - pouvoir utiliser la radio sur secteur actuel (230V) et en autonome (accus) - pouvoir connecter un lecteur bluetooth
Pas moyen de trouver une référence quelconque concernant le type. Sur Internet, j'ai bien trouvé le MP602 de CERT, mais ce n'est pas tout à fait la même présentation ... En plus, on verra par la suite que cette radio n'a pas le même circuit que le MP602. Bref, de toute façon, il faut ouvrir la bête ... La trappe arrière ouverte, on découvre le châssis et les logements de piles ... la 67,5V est même toujours là. Boursouflée, mais présente : Il y a même les instructions sur un papier collé sur la face interne de la trappe : Bon déjà, c'est un modèle fonctionnant sur secteur 110V. On s'en serait douté ... Le logements des 2 piles de 1,5V (en parallèle) est bien oxydé. Pas grave, de toute façon, je ferai fonctionner cette radio sur accus : Le châssis comporte 6 lampes : 1T4, 1R5, 1T4, 1S5, 3S4 et la valve 117Z3 (de la gauche vers la droite, la 1R5 est derrière la seconde 1T4) : Sur 3 lampes, une étiquette est collée avec la mention "C.E.R.T. NOV 51". Donc cette radio a du être conçue en 1951 par CERT Pour déposer le châssis, il faut enlever les 4 boutons : Dessouder les 2 fils du cadre : et enlever la plaque de fermeture du châssis : Voici la boite vide : et quelques photos du câblage :
Comme il faut changer ces fameux condos bouchés au goudron qui ont tout de même tendance à mal vieillir et que c'est bien tassé sous le châssis, je vais devoir dessouder quelques composants pour accéder à tout. Je vais en profiter pour relever le schéma ... J'ai déjà remarqué le super commutateur d'alim qui, en gros met en parallèle sur les piles de 1,5V les filaments lorsqu'on est sur "PILES" et en série lorsqu'on est sur "SECTEUR". D'où un fatras pas possible de fils. Je sens que je vais tout simplifier ... Allez, c'est parti ... Un condo bien caché ... sûrement celui de CAG Cherchez les condos disparus : Cherchez celui qui va disparaitre : ah tiens, il y en a un autre : Après pas mal de temps à chasser le condo, voici le contenu de la gibecière : Buerk. Je n'aime pas ces condos ... en plus le chimique (le gros) est carrément sec, capacité = 0 ! Bon, maintenant, il faut en remettre ...
Voilà, je suis prêt pour essayer sur 110V. Bien entendu, j'ai vérifié les résistances. Elles ont bien varié, mais leur valeur n'était de toute façon pas du tout critique à l'époque (on se contentait parfois d'une tolérance à 20%). J'ai ressoudé provisoirement les fils du cadre, et branché 2 straps entre les douilles secteur et un variac (c'est plus sûr) ... Je monte progressivement la tension et hop, ça marche ! Comme j'ai fait cet essai le soir, et bien j'ai reçu pas mal de stations, même en PO. En OC, il faut une antenne filaire (qu'on branche bien sur la douille à côté de celles du secteur) Comme je n'ai pas l'intention de conserver la valve, je la remplace par une 1N4007 et les HT montent un peu. Au point où la tension de la chaine filament atteint maintenant les 8,4V nominaux ! Parfait. La HT est de 90V. Alors j'ai fait un autre essai : sur 136V continus (afin que la HT atteigne bien 90V), pour déterminer le courant consommé : 61 mA. Bien, avec cette mesure je vais pouvoir calculer la résistance série à installer pour pouvoir faire fonctionner le poste sur 230V J'ai fait quelques oscillogrammes, pour qu'on se rende bien compte que l'alim de ce genre de poste n'est pas aussi simple qu'il n'y parait. La sinusoïde (ou presque), c'est la tension secteur. L'autre trace, c'est le courant consommé sur le secteur (110V) La mesure du courant se fait en visualisant la tension aux bornes d'une résistance de 10 ohm insérée dans le circuit. Détails On voit que le courant se résume à une impulsion de 3,5ms par période du secteur (50Hz, donc 20ms) et que la pointe de courant dépasse 0,5A. C'est logique : le courant n'apparait que lorsque la diode est conductrice, c'est-à-dire lorsque la tension instantanée du secteur est supérieure à la tension aux bornes du premier condo. Tension aux bornes de C1 (en haut) et courant (en bas) Le redressement est monoalternance, donc le condo se charge pendant 3,5ms et le reste de la période (16,5ms) il se décharge dans les circuits (filaments et anodes/écrans des lampes). Donc, si on intègre l'impulsion image du courant, on doit trouver la même quantité d'électricité que celle consommée , c'est-à-dire 61 mA pendant 16,5ms : calcul graphique de l'aire de l'impulsion : celle-ci vaut environ 6 carreaux Le calcul de la quantité d'électricité de charge est simple : nombre de carreaux * calibre vertical * calibre horizontal, soit : Qc= 6 x 0,2A x 1ms = 1,2 mCb Si maintenant on calcule la quantité d'électricité de décharge : Qd = Id * temps de décharge, soit : Qd = 0,061A x 16,5ms = 1,0 mCb On voit qu'on est pas mal du tout, vu la tolérance sur ce genre de mesure (tolérance sur la résistance, calcul graphique sur l'écran de l'oscillo photographié, rendement du redresseur et du condo) Voyons maintenant comment déterminer la résistance série à insérer pour faire fonctionner cette alim sur le 230V
Voyons donc le schéma de cette alim : Schéma universel d'un redresseur simple alternance L'élément redresseur D est soit une valve, soit une diode à semi-conducteur. La résistance R est la résistance équivalente du redresseur en conduction (plus celle de la source, par exemple un transfo HT). C1 est le condensateur qu'on appelle "tête de filtre" qui n'est en fait qu'un réservoir à électricité (comme on vient de le voir, il se charge à la tension secteur la plus grande ou à peu près) et il se décharge dans le circuit d'utilisation) La tension aux bornes de C1 est tout de même assez variable, à moins d'augmenter démesurément la capacité de C1. Au lieu de cela, on met un filtre, formé de la résistance Rf et du second condo C2. Ainsi, la tension aux bornes de C2 est nettement moins ondulée. Ru est la résistance équivalente de la charge, c'est-à-dire des circuits consommateurs (courants d'anodes, d'écrans et de chauffage comme dans notre cas) Lors du premier essai, j'ai pu mesurer les tensions aux bornes de C1 et C2 en fonctionnement. J'ai aussi mesuré le courant consommé par l'utilisation en alimentant le circuit en continu. Je peux donc établir ces 2 schémas : Tensions et courants en 110Veff (en haut) et en 135V continus (en bas) Des 60 mA consommés sous 90V, on en déduit la résistance Ru=1500 ohm. La résistance de filtre a été mesurée sur le circuit (735 ohm exactement). Ensuite, j'ai fait un tableur qui permet de simuler cette alimentation. Le principe est simple : Au lieu de résoudre un système d'équations différentielles, on calcule de proche en proche en utilisant des petits accroissements. On utilise les lois fondamentales de l'électricité (loi d'Ohm, de Kirschoff, de Coulomb, de Faraday ...) : - U = R*I - la somme des courants arrivant à un noeud est nulle (par ex : IR = IC1 + IRf) - Q = I*dt = C*dV De ligne en ligne, on calcule tous les courants et les tensions. Il suffit en fait de prendre comme "pas" d'itération une valeur de durée dt suffisamment petite pour se rapprocher de la vraie solution. Dans le tableur, j'ai choisi dt = 200µs. Cela veut dire qu'une période complète du secteur (20ms) est parcourue en 100 lignes d'itération. Cela fait beaucoup de lignes pour une seconde .... mais on ne va pas jusque là. Voyons ce que cela donne : Démarrage de l'alim en 110Veff L'intérêt de procéder avec un tableur, c'est qu'on peut avoir les graphiques en (presque) un clic ... Tout en haut, le petit tableau contient les paramètres de départ (tension secteur, valeurs des composants, dt ....) Première ligne, les condos sont déchargés et la sinusoïde secteur commence ... Graphiques : tout en haut, en bleu, la tension sur C1, en rouge, celle sur C2. On voit bien l'effet de filtrage. Tout en bas, en bleu, le courant secteur. Que remarque-t-on ? - il faut 500 itérations environ pour que C2 atteigne sa tension de "croisière" : ça correspond à 5 périodes du secteur, donc 100ms ! - le courant d'appel à la première charge est assez grand : 1,6A. On comprend mieux pourquoi il faut surdimensionner les diodes à semi-conducteurs (je dis surdimensionner car si on compare cette intensité à celle consommée -60 mA-, il y a une grande différence) - ensuite, en régime de croisière, le pic d'intensité est d'un peu plus de 0,5A (à comparer aux 0,53A mesurés précédemment), mais là j'ai un peu triché : j'ai paramétré la résistance R (40 ohm) pour justement obtenir les 0,53A .... Voici les graphiques du régime de croisière : Régime de croisière de l'alim en 110Veff En première ligne, au lieu de 0V sur C1 et C2, j'ai simplement recopié les valeurs que j'avais trouvées au bout de quelques périodes du démarrage. (126 et 88V) Remarquez la forme de la tension aux bornes de C1 : c'est vraiment l'ondulation de redressement comme on l'enseigne : charge quasi sinus, décharge exponentielle lente qui s'apparente à une droite. En revanche, l'ondulation sur C2 est plus "ronde" : logique, on filtre les hautes fréquences, il ne reste alors que le fondamental, et là le fondamental, c'est le 50Hz. Maintenant, on peut s'amuser. Pour étudier une nouvelle alim qui fonctionnera sur le 230Veff, il suffit de jouer avec le petit tableau. On met 230V à la place de 110 et on cherche la valeur de R qui fait que la tension sur C2 atteigne 90V : Démarrage de l'alim en 230Veff Et la "bonne" valeur de R est : 750 ohm Et le régime de croisière : Régime de croisière de l'alim en 230Veff On voit que la charge est plus lente puisque R est plus grande. Donc la charge du condo dure plus longtemps (l'impulsion de courant est plus large), donc comme la quantité d'électricité n'a pas changé puisque Ru n'a aucune raison de changer, la pointe de courant est 2 fois moins grande ! Le tableur fournit aussi la puissance moyenne dans la résistance R, afin de la dimensionner. En 110V, cette puissance est de 1W (dissipée dans l'élément redresseur), en 230V elle est de 10W environ. Les 2 documents suivants montrent le temps de conduction du redresseur : Temps de conduction de la diode : 200µs * (31-15+1) = 3,4ms Temps de conduction de la diode : 200µs * (42-7+1) = 7,2ms Si vous voulez utiliser ce tableur, le VOICI Il est utilisable tel quel pour tout redressement simple ou double alternance. En effet, vous trouverez en dernière feuille un exemple de double alternance : Alim 250V en double alternance Paramètres : HT = 2x350V, HP à excitation, condos de 8µF, courant HT = 62,5mA Les graphiques sont à la même échelle, afin de comparer avec un redressement simple alternance ...
Sur cette radio, lorsqu'elle est alimentée sur secteur, les filaments des lampes sont câblés en série. En revanche, sur piles, ils sont tous câblés en parallèle. C'est pour cette raison que le commutateur qui permet de passer d'une source à l'autre reçoit pas mal de fils ... Voyons cela sur un schéma : Circuit de chauffage originel Ce schéma correspond au câblage d'origine. En bleu, j'ai fait figurer les contacts qui sont établis lorsque le commutateur est sur "PILES", en rouge lorsqu'il est sur "SECTEUR" Notez la résistance de 820 découplée par le condo de 500µF : la résistance dévie le courant anodique (non négligeable devant celui de chauffage) vers le pôle - de chauffage (la masse en l'occurence), le condo la découple pour éviter les accrochages BF (motor-boating). La tension totale de la chaine de filaments (sur secteur) est de 8,4V. Pas question de conserver ce principe : la pile de 67,5V est introuvable (ou du moins à prix raisonnable) et c'est une pile, donc non rechargeable. Les piles de 1,5V sont bien entendu, usuelles, mais ce ne sont que des piles. Non, le mieux est de passer en accus et en 12V. Ainsi, vu qu'il faut 8,4V pour tous les filaments, et bien il sera inutile de commuter les filaments selon un circuit parallèle. Cela simplifie drôlement le commutateur ! Evidemment, il faudra produire le 90V à partir du 12V, donc il faudra un convertisseur continu/continu, mais ça, ce ne sera pas le premier que je fais ... Voici donc le schéma de l'alimentation générale modifiée : Nouvelle alimentation En haut, l'alim HT sur secteur. En bas à droite, les filaments en série. Le reste c'est le convertisseur 12V/90V et les accus 18650 (il en faut 3 pour faire 12V). Notez la 68 ohm pour abaisser le 12V à 9V et la diode qui abaisse à 8,4V, mais surtout qui empêche l'alim secteur de démarrer le convertisseur ! Enfin, un départ "+12P" qui va servir à alimenter le module bluetooth que je prévois également .... Passons à la modification de chauffage et HT sur le châssis : Dépose du commutateur et des fils allant aux filaments (en rouge la place libre). En jaune : boudinette de raccordement des connexions du +90V Perçage du trou pour le téton bloqueur du commutateur Câblage de la 820 ohm et du 500µF (en vert). En bleu : connexion à la masse, en jaune : connexion sur la borne commune filaments de la 1T4 et la 3S4 Câblage au niveau du commutateur. C'est déjà plus simple ... Il faudra ajouter la commutation du +12V accus, mais la 68 ohm et la diode sont déjà là. La résistance R est formée de 2 résistances de puissance. Le silpad sert à les maintenir plus ou moins contre la tôle pour améliorer la conduction thermique ... je verrai à l'usage si ça "tient". J'ai inversé le rôle des douilles d'arrivée secteur pour simplifier le raccordement des résistances de puissance. J'ai aussi supprimé les connexions allant à la valve d'origine 117Z3 devenue totalement inutile.
Voici deux schémas, glanés sur Internet, qui m'ont aidé à relever le schéma réel de ce poste : Schéma du MP602 de CERT Autre schéma ressemblant ... Et voici le schéma que j'ai relevé. A noter que nombre de condos de 47nF étaient des 100nF à l'origine, mais dans ce genre de poste où les courants d'écrans sont très faibles, on peut se contenter de plus petites valeurs de capacités : Schéma de la radio (sans le circuit de chauffage ni l'alim HT). Télécharger le PDF Particularité : remarquez l'ampli FI qui comporte 2 lampes 1T4 ! C'est la première fois que je vois ce genre de dispositif, du moins sur une radio des années 50 ... Sur le schéma du MP602, il y a bien aussi deux 1T4, mais une est utilisée en préamp HF et l'autre est seule en FI... Le reste est très classique. On note aussi l'absence complète de découplage des filaments (à part la 3S4), mais aussi l'absence du petit condo sur l'anode de la préamp BF qui élimine les résidus FI ...